Histoire des TST en France (suite)

Introduction

Statistiquement, en 1957, les interruptions de service se répartissent en gros par moitié entre les coupures de courant pour travaux et celles dues aux incidents d’exploitation. Ces coupures sont autant de gêne pour les clients, dont la sensibilité à la qualité de fourniture va croissant. En France, le souci croissant de la qualité de service et la réduction du nombre de coupures pour travaux ainsi que la sécurité des agents sont les enjeux principaux qui ont conduit EDF à engager une démarche d’étude puis de développement des travaux sous tension (TST). EDF décide donc le lancement de missions exploratoires dans les pays qui pratiquent déjà cette technique, notamment les USA, l’URSS et la Suède. L’objectif est d’examiner dans quelles conditions ces travaux sont réalisés et d’étudier la manière dont ils pourraient être transposés en France.

Dans un premier temps, EDF reproduit les techniques utilisées dans d’autres pays mais, rapidement, l’expérience acquise permet à EDF de mettre au point une technique différente et unique dans le monde, basée sur l’analyse de risque et la définition d’un corpus de règles de sécurité permettant une grande adaptabilité à l’opération à réaliser. L’école française est née. L’organisation des TST en France autour d’un comité des TST chargé d’agréer les règles et méthodes et d’une entité d’expertise, SERECT (Section d’Etudes, de Réalisation et d’Expérimentation du Comité Technique), montre très vite son efficacité.

Le développement des TST est très rapide dans les trois niveaux de tension : BT, HTA et HTB. SERECT développe ses propres outils et investit dans la recherche. Le comportement de l’intervalle d’air est disséqué, analysé puis traduit en règles. Ce travail constant depuis de très nombreuses années va donner une longueur d’avance à la France en matière de TST, notamment dans le domaine des travaux en environnement humide, du comportement de l’intervalle d’air avec insertion d’une pièce conductrice (notion de fractionnement) ou des travaux héliportés.

Aujourd’hui, en matière d’électricité, il n’est plus envisageable de priver le client de la continuité de service. Éviter les coupures, maintenir un haut niveau de disponibilité des installations, garantir la sécurité des agents et des tiers, s’adapter sans cesse aux évolutions techniques, tels sont les enjeux des travaux sous tension (TST). Invisibles aux yeux des utilisateurs, ceux-ci sont désormais incontournables et font partie intégrante de la conception des réseaux de transport et de distribution d’énergie électrique.

Le lancement de la démarche en France

Le développement des méthodes et des outils pour la réalisation des TST au début des années 1960 a été rendu possible par la mise en place d’une organisation efficace et réactive avec :

  • un comité technique chargé de faire la synthèse des travaux et d’agréer au fur et à mesure les modes opératoires puis les règles à observer pour la réalisation des TST. Ce comité technique a été rebaptisé Comité Technique des Travaux Sous Tension (CTST) en 1966
  • une entité d’expertise en appui du comité technique, chargé d’élaborer ces modes opératoires puis les règles techniques d’intervention ainsi que les outils nécessaires à la réalisation des opérations TST. Cette entité d’expertise est le SERECT (Section d’Etudes, de Réalisation et d’Expérimentation du Comité Technique) basé dans les environs de Mulhouse à Wittelsheim(68).

Le Comité Technique est composé de représentants de la Distribution, de la Production, du Transport, de la Recherche & Développement et de la Formation professionnelle dont on pressentait déjà le rôle très important. Par la suite, le ministère en charge de l’Énergie, très intéressé par la démarche, déléguera un représentant au sein de ce comité.

Les premiers travaux se fondent sur une analyse de la réglementation, des méthodes de travail, normes, conditions de vérification du matériel et conditions de formation du personnel. De nombreux textes sont traduits, en grande partie venant des États-Unis. La démarche est progressive et la première étape consiste à transposer les méthodes déjà utilisées dans les pays visités au cours des missions d’exploration pour les adapter au réseau français. Pour certaines opérations sur les lignes à haute tension, la SERECT s’est assurée le concours de démonstrateurs envoyés par des constructeurs de matériels américains comme Chance, Kearney ou Holan.

En complément, un réseau expérimental est établi sur l’île d’Ottmarsheim, non loin de la SERECT. Il sert à la fois à l’élaboration des modes opératoires et à la formation du personnel. Un réseau 63/90 kV comprenant 6 pylônes, 2 poteaux bétons, 2 poteaux bois haubanés et un portique béton est terminé en juin 1964. Les dix pylônes devant supporter les lignes 220 kV et 380 kV sont levés cette même année.

À partir de 1965, deux lots de modes opératoires sont élaborés par la SERECT et approuvés par le Comité :

  • Un premier lot de 12 modes opératoires couvrant une gamme courante d’opérations de branchement BT.
  • Un deuxième lot de 28 modes opératoires couvrant une gamme étendue d’opérations courante sur le réseau THT.

En parallèle, la formation est engagée à Ottmarsheim au bénéfice de 10 centres de distribution pour la BT et de deux CRTT (Centres Régionaux de Transport et de Télécommunications) pour la HT sur la base des modes opératoires approuvés.

Les équipes sont ensuite formées pour l’exécution systématique des TST sur les réseaux en exploitation. L’entrée en application de ces nouvelles méthodes a suscité un grand intérêt de la part de tout le personnel. Les Comités d’Hygiène et Sécurité (CHS) se sont pleinement associés à cette expérimentation élargie et la commission de coordination des CHS a apporté elle-même une contribution à l’élaboration des textes de base.

Le cadre réglementaire dans l’histoire

En 1960, la réglementation du travail concernant la distribution d’énergie électrique en France est fixée par un arrêté ministériel datant de 1927, dont les dispositions ont été développées par l’Union Technique de l’Électricité (UTE) sous le nom de publication UTE 513. Cette publication interdisait le travail sous tension sur les ouvrages à tension supérieure à 433 volts entre phases et ne l’admettait que d’une façon restrictive sur les ouvrages à tension inférieure à cette limite.

En 1962, le décret 62-1454 du 14 novembre, relatif à la protection des travailleurs dans les établissements qui mettent en oeuvre des courants électriques, prévoit, dans son article 50, les travaux sous tension comme un cas exceptionnel et préconise les travaux hors tension.

Dès 1963, le Comité technique met à l’étude une « charte des travaux sous tension » qui prend rapidement le nom d’Instruction Générale Provisoire (IGP). Le 24 juin 1965, le ministre chargé de l’Énergie électrique approuve ce texte qui constitue une première réglementation ouvrant la voie à une généralisation des TST. Elle entre en vigueur le 1er octobre 1965 pour une durée de 1 an.

Le 29 avril 1966, à l’occasion du renouvellement de l’IGP, le ministère de l’Industrie écrit à l’UTE pour lui demander de soumettre à son approbation une IGP de portée générale et non plus limitée à EDF, tenant compte de l’expérience acquise depuis la mise en application de la première IGP. Cette mise au point fut plus difficile que prévu dans la mesure où le premier texte avait été conçu pour EDF, entreprise hiérarchisée, et non pour des régies.

Le Comité d’études des TST devient le 1er mai 1966 le Comité des travaux sous tension (CTST). Ce changement d’appellation marque la volonté de s’engager vers le développement des TST et leur généralisation progressive. Les missions du nouveau comité étaient précisées comme suit : faire la synthèse des renseignements recueillis à l’étranger, orienter les études des modes opératoires relatifs aux TST, donner son agrément aux modes opératoires et aux matériels spécifiques des TST, ainsi qu’aux programmes de formation du personnel, préparer les projets de textes réglementaires qui apparaitraient nécessaires, ainsi que les consignes générales internes à EDF.

En 1970, le Comité des travaux sous tension achève la réglementation connue sous le titre d’Instruction générale pour l’exécution des travaux sous tension ; celle-ci est alors transformée en Publication 520 par l’UTE et approuvée par le ministère du Développement industriel et scientifique le 26 octobre de la même année. Dès lors, elle n’est plus réservée aux seuls usages d’EDF. Cette réglementation s’appuie sur les trois points fondamentaux suivants :

  • La mise en oeuvre d’un outillage et de matériels agréés conformément à des modes opératoires et des CET approuvés.
  • La formation du personnel par un établissement ou organisme agréé par le ministère chargé de l’énergie électrique, suivant des programmes approuvés.
  • Le contrôle et la surveillance par la hiérarchie

À partir de 1974, la SERECT est agréée pour assurer la formation de ses agents et des agents qui lui sont détachés en vue de l’expérimentation en exploitation de nouvelles méthodes de travaux sous tension.

En 1982, le décret 82-167 du 16 février, relatif aux mesures particulières destinées à assurer la sécurité des travailleurs contre les dangers d’origine électrique lors des travaux de construction, d’exploitation et d’entretien des ouvrages de distribution d’énergie électrique, confirme le cadre réglementaire s’appliquant notamment aux travaux sous tension.

Dans son article 8, il précise qu’un organisme conjointement désigné à cet effet par le ministre du Travail et le ministre chargé de l’Énergie électrique approuve les programmes de formation, agrée les centres de formation, approuve les méthodes de travail et agrée le matériel et les équipements de sécurité spécialement destinés aux travaux sous tension. Par ailleurs, les travaux qui ne peuvent être réalisés conformément à ces méthodes de travail ne doivent pas être exécutés sous tension, sauf s’il s’agit de travaux expérimentaux exécutés par un organisme agréé par le ministre chargé du Travail et par le ministre chargé de l’Énergie électrique pour la mise au point de nouvelles méthodes.

C’est la décision interministérielle du 1er juillet 1983 qui désigne le Comité des TST comme l’organisme chargé d’approuver les programmes de formation et d’agréer les matériels et méthodes de travail. La SERECT est, quant à elle, désignée comme l’organisme chargé d’effectuer les travaux expérimentaux.

C’est le décret de 1982 qui régit aujourd’hui les conditions d’intervention sur les ouvrages de distribution d’électricité, pour des travaux sous tension ou des travaux sous consignation.

 

Les dates clés de l’évolution des TST en France sont accessibles sur la frise historique.